Le droit de grève a été reconnu en France le 25 mai 1864. Pourtant, aussi ancien soit-il, certaines questions persistent à son sujet.
Au sein d’une société de droit privé exerçant une mission de service public, l’organisation syndicale – CGT dépose un préavis de grève devant débuter le 22 avril 2015 et prendre fin le 31 décembre 2015.
Pourtant, dès la mi-juin, le mouvement s’essouffle, et seul, un salarié continue la grève. L’employeur déduit de cette faible mobilisation que la grève est terminée. Il somme alors le salarié gréviste de reprendre son poste.
Le salarié refuse. L’employeur le licencie pour abandon de poste….et les difficultés commencent!
Le salarié, estimant avoir été licencié en raison de l’exercice normal de son droit de grève, saisit la juridiction prud’homale afin de solliciter la nullité de son licenciement.
Les juges du fond, considérant que les conditions pour exercer le droit de grève ne sont plus réunies, déboutent le salarié de sa demande. Ils jugent, à ce titre, que “La grève étant une cessation concertée du travail, elle repose sur une notion de groupe et ne peut pas relever d’une initiative individuelle” et que les autres grévistes ayant repris le travail, l’employeur en a justement déduit la fin de la grève. L’absence du salarié à son poste caractérise ainsi une faute.
La Cour de Cassation n’admet pas ce raisonnement.
Un salarié d’un service public peut faire grève seul…
A l’occasion de cet arrêt, la Cour de Cassation rappelle que “Le droit de grève est un droit individuel et, dès lors qu’un syndicat représentatif a déposé un préavis, chacun est libre de participer ou non”. “Ce n’est donc pas parce qu’un seul participerait qu’il n’y aurait pas de grève et il ne peut pas être enjoint à ce salarié de reprendre le travail. Ce n’est pas non plus parce que les autres auraient repris le travail que la grève serait finie. Ce n’est d’ailleurs pas à l’entreprise, mais au syndicat auteur du préavis, de décider quand la grève est terminée”, poursuit la Cour de cassation.
… une condition : qu’il respecte le préavis
Dans sa décision du 21 avril 2022 (pourvoi n°20-18.402) la Cour de Cassation juge que « la cessation de travail d’un salarié pour appuyer des revendications professionnelles formulées dans le cadre d’un préavis de grève déposé par une organisation syndicale représentative dans une entreprise gérant un service public constitue une grève, peu important le fait qu’un seul salarié se soit déclaré gréviste ».
Conclusion : la cessation du travail d’un seul salarié, respectant le préavis déposé par une organisation syndicale, pour appuyer des revendications professionnelles, est donc bien une grève et toute sanction liée à cette attitude est nulle.
Cette décision a toutefois une portée limitée et ne vaut que pour les entreprises au sein desquelles l’exercice du droit de grève est soumise à un préavis.
Source :
Cass. Soc. 21 avril 2022 pourvoi n°20-18.402
Par deux arrêts rendus en formation plénière ce 11 mai 2022, et qui feront date, la Cour de cassation, en formation plénière, s’est enfin prononcée sur le barème d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il en résulte que :
- Le barème d’indemnisation du salarié licencié sans cause réelle et sérieuse n’est pas contraire à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail.
- Le juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème au regard de cette convention internationale.
- La loi française ne peut faire l’objet d’un contrôle de conformité à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui n’est pas d’effet direct.
Rappelons qu’en 2018, le Conseil constitutionnel avait déclaré ce barème conforme à la Constitutionnel tandis que la Cour de cassation avait déjà en juillet 2019, toutefois sous forme de simple avis, admis la conformité dudit barème aux conventions européennes et internationales.
Sans parler des cas dans lesquels le barème ne s’applique pas, il reste désormais à la Cour de cassation de poursuivre sa construction jurisprudentielle sur les autres questions que pose en pratique l’application de ce barème.
Cass Soc, 11 mai 2022, pourvois n°21-14.490 et 21-15.247
Vous souhaitez réaliser une estimation précise de risque prud’homal par rapport à une situation donnée ? Nos avocats en droit social et gestionnaires de paie sont là pour vous accompagner : info@legal-resources.eu