L'article L. 2314-18 du code du travail dispose que peuvent être électeurs aux élections du CSE « les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l'entreprise et n'ayant fait l'objet d'aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques ».
L'interprétation faite de cet article par la Cour de Cassation…
Selon une jurisprudence constante, la Cour de Cassation a toujours interprété cet article en considérant que devaient être exclus du corps électoral :
- les salariés qui, disposant d'une délégation écrite particulière d'autorité, sont assimilés au chef d'entreprise;
- les salariés qui représentent le chef d'entreprise devant les instances représentatives du personnel – IRP.
Appliquant sa jurisprudence habituelle, la Cour de Cassation a jugé dans un arrêt du 31 mars 2021 (n°19-25.233) que les salariés représentant la Direction de CARREFOUR devant les IRP ne peuvent être électeurs.
Cette position peut, en pratique, s'expliquer par la volonté d'éviter que les salariés assimilés à l'employeur puissent se retrouver dans une position ambiguë en participant aux élections qu'ils peuvent eux-mêmes organiser.
…Censurée par le Conseil Constitutionnel
Insatisfait de cette position, le syndicat requérant, saisissait le Conseil Constitutionnel d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité – QPC.
La QPC est la suivante : « La disposition de l'article L. 2314-18 du Code du travail telle qu'interprétée par la jurisprudence de la Cour de cassation, en privant certains travailleurs de la qualité d'électeur aux élections professionnelles, et en n'encadrant pas mieux les conditions de cette exclusion et en ne les distinguant pas des conditions pour n'être pas éligibles, ne méconnaît-elle pas le principe de participation des travailleurs par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail à la gestion des entreprises défini au point 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »
Il est intéressant de relever que la QPC critique l'interprétation jurisprudentielle qui est faite de l'article L.2314-18 du Code du Travail et non pas directement la constitutionnalité dudit article.
Le Conseil Constitutionnel s'est prononcé le 19 novembre 2021 (n°2021-947 QPC), en faveur du syndicat requérant.
Se fondant sur le le huitième alinéa du préambule de la constitution de 1946 qui dispose que : « tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion de l'entreprise », il juge que : « en privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d'électeur à l'élection du comité social et économique, au seul motif qu'ils disposent d'une telle délégation ou d'un tel pouvoir de représentation, ces dispositions [l'article L.2314-18] portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs ».
Une inconstitutionnalité aux effets reportés
En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité conduit à l'abrogation immédiate de la disposition concernée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel.
Abroger l'article litigieux aurait, toutefois, pour conséquence de supprimer de manière immédiate toute condition pour être électeur.
Pour éviter de telles conséquences, qu'il juge “excessives”, le Conseil Constitutionnel reporte cette abrogation au 31 octobre 2022, laissant le soin au législateur de modifier d'ici là l'article L.2314-18 du Code du travail.
Le Conseil constitutionnel sécurise également les élections passées et en cours en précisant que : «Les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité».
Il nous faut maintenant attendre la réécriture par le législateur de l'article L.2314-18 du Code du travail.
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