Les articles L. 4121-1 et L. 4122-1 du code du travail font naître une obligation pour l'employeur de veiller à la santé ainsi qu'à la sécurité de ses salariés.
Bien que l'employeur dispose d'un pouvoir de direction, de contrôle et de sanction au sein de l'entreprise, il y a des limites à ce pouvoir.
Parmi ces limites, il y a notamment le droit de toute personne au respect de son domicile tel que prévu par l'article 8 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Plusieurs décisions de la chambre sociale de la Cour de cassation, dont une du 12 janvier 1999 (96-40.755), en ont déduit qu'une restriction par l'employeur de la liberté du salarié de choisir son domicile n'était valable qu'à la condition d'être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise et proportionnée.
Dans une décision du 10 mars 2022 la cour d'appel de Versailles s'est prononcée au sujet d'un litige portant sur cette question.
Un salarié déménage en Bretagne alors que le lieu où il doit effectuer sa prestation de travail est situé dans les Yvelines.
Jugeant ces 450 kilomètres de trajet domicile-travail incompatibles avec son obligation de santé sécurité, ainsi qu'avec les déplacements professionnels liés à l'activité du salarié, l'employeur lui demande de fixer son domicile en région parisienne.
Le salarié refuse, l'employeur le licencie.
Le salarié conteste ce licenciement au motif de son droit au respect de son domicile. De plus, il ajoute que “son déménagement n'a pas entraîné d'allongement de son temps de trajet, qu'il conservait son pied à terre en région parisienne en cas de besoin, soulignant ne jamais avoir été en retard et qu'il a assumé tous les frais induits par son installation en Bretagne”.
L'obligation de préservation de la santé du salarié peut prévaloir sur la liberté de choix du domicile
Dans sa décision du 10 mars 2022 (n°20/02208), la cour d'appel de Versailles confirme la décision de l'employeur au motif que “cette distance excessive ne pouvait être acceptée par l'employeur compte tenu de son obligation de sécurité”. De même, les juges rappellent que “l'employeur est tenu de veiller au repos quotidien de son salarié et à l'équilibre entre sa vie familiale et sa vie professionnelle dans le cadre de la convention de forfait en jours à laquelle il était soumis”.
Ici, la cour d'appel considère qu'il n'y a pas d'atteinte disproportionnée au libre choix du domicile du salarié, car elle fait prévaloir dans ce cas précis l'obligation de santé et sécurité de l'employeur. Par conséquent, il est nécessaire de relativiser l'importance de cet arrêt. Il s'agit certes de l'illustration d'une articulation intéressante entre deux principes, mais dont la portée demeure partiellement inconnue. En effet, les juges ne donnent pas de valeur précise à ce qu'est une “distance excessive”. De surcroît, s'agissant d'un jugement de cour d'appel, il est possible qu'il soit remis en cause par la Cour de cassation.
Face à une telle situation, restons vigilants et n'agissons pas avec précipitation.
Nos équipes demeurent à votre écoute pour vous accompagner.
Sources :
CA Versailles 10 mars 2022 n°20/02208
Articles L. 4121-1 et L. 4122-1 du code du travail
Cass. Soc. 12 janvier 1999 pourvoi n°96-40.755