Les élections professionnelles constituent l'un des moments clés de la vie représentative au sein de l'entreprise.
C'est une période propice aux tensions durant laquelle l'employeur, organisateur, doit avoir un comportement irréprochable et prévenir tout risque de demande d'annulation des élections.
L'obligation de neutralité de l'employeur
L'article L. 2141-7 du code du travail précise, à ce titre, qu'il est interdit à l'employeur et à ses représentants d'utiliser un moyen quelconque de pression en faveur ou à l'encontre d'une organisation syndicale. L'employeur est, ainsi, tenu à une obligation de neutralité, qualifiée, par ailleurs, par la Cour de Cassation de “principe essentiel du droit électoral”.
Pour exemple, l'employeur n'est pas autorisé à s'immiscer dans les opérations électorales, en participant au dépouillement de l'élection.
Si, compte tenu des enjeux d'une telle élection, il apparaît nécessaire d'encadrer le comportement de l'employeur, il ne faut pas non plus que l'accusation de partialité devienne un moyen pour une organisation syndicale de faire annuler les élections dès que le résultat ne lui convient pas.
Se pose alors une question essentielle en droit : la charge de la preuve.
La charge de la preuve de l'absence de neutralité incombe à l'organisation syndicale qui invoque la violation
Dans une affaire jugée le 18 mai 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a, à notre connaissance, été confrontée, pour la première fois, à cette question.
Rappel des faits :
Dans un contexte de renouvellement des institutions représentatives du personnel, un protocole d'accord préélectoral fixe la date limite de dépôt des candidatures au 4 novembre à 12 heures.
L'organisation syndicale CFTC adresse sa liste à l'employeur par courriel le 4 novembre à 12h16, soit avec 16 minutes de retard. L'entreprise, appliquant strictement les termes du protocole d'accord préélectoral, refuse cette liste.
En considération de ce refus, l'organisation syndicale CFTC demande l'annulation des élections du collège concerné au motif d'une violation de l'obligation de neutralité de l'employeur. Elle soutient, pour ce faire, que l'organisation syndicale FO a également remis sa liste après l'heure limite prévue par le protocole préélectoral, sans pour autant que l'employeur ne la refuse.
Saisi de la contestation, le tribunal judiciaire statue en faveur de l'organisation syndicale CFTC, considérant qu'il appartient à l'employeur de prouver que la liste du syndicat FO a été remise avant l'heure limite et par conséquent de prouver sa neutralité dans le processus électoral.
La chambre sociale de la Cour de cassation ne partage, toutefois, pas cet avis.
Dans sa décision du 18 mai 2022 (n°20-21.529), la haute juridiction affirme « qu'il appartient à celui qui invoque la violation par l'employeur de son obligation de neutralité d'en rapporter la preuve ». Au cas d'espèce, c'est au syndicat contestataire de prouver la violation de l'obligation de neutralité de l'employeur.
Il s'agit ici d'une précision bienvenue de la Cour de Cassation tant les limites à l'obligation de neutralité sont parfois difficiles à identifier.
Sources :
Article L. 2141-7 du code du travail
Cass. Soc. 18 mai 2022 pourvoi n°20-21.529