Perspectives

#7

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Le magazine trimestriel de votre actualité RH

Edito

Par Arnault CHARRIERE

Le dossier du mois

Les réseaux sociaux, nouvel intervenant dans la relation de travail

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Le saviez-vous ?

La perte de chance de droits à la retraite

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Figure Libre

A la recherche du monde d'avant

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EDITO

PAR ARNAULT CHARRIERE

# NOUVEAU MONDE

Le grec possède deux mots pour dire "nouveau" : neos et kainos.

Le premier indique plutôt la nouveauté chronologique, c'est à dire ce qu'il y a de plus récent ou de plus jeune.

Le second, en revanche, met en relief l'aspect qualitatif et la nouveauté : une nouveauté radicalement différente tel "l'homme nouveau" dans la lettre de Saint-Paul aux Ephesiens. Un homme qui entraîne une transformation spirituelle.

Mais avant celui du temps long, le nouveau monde est celui des réalités et de l'immédiateté.

Il met à l'epreuve notre aptitude à prendre des décisions dans un environnement incertain où le temps économique n'aura jamais été aussi pressant.

Pour beaucoup d'entrepreneurs et leurs équipes, ces congés estivaux seront plus courts que d'habitude car selon les situations, le temps des décisions est là.

Pour certains, il s'agit de saisir les opportunités, de se diversifier, de scruter la reprise et sinon de changer d'activités, voire de modèle, chaque fois que cela est possible.

Pour d'autres, il faut déjà se résoudre à renoncer à ce qu'il aura fallu des années à bâtir : des équipes et des compétences.

Dans tous les cas, et en dépit des outils économiques et dispositifs sociaux dont nous disposons, les choix sont difficiles. 

Alors, en temps normal, nous vous aurions souhaité de bonnes vacances. Cette année, nous ne vous souhaiterons de circonstance qu'une seule chose Du travail et encore du travail, nouveau monde ou pas.

Continuez à prendre soin de vous.

Réseaux sociaux &
relation de travail

LE DOSSIER DU MOIS

Par Léon MATUSANDA

Les réseaux sociaux, un nouvel intervenant dans la relation de travail ?

Une relation bouleversée

L’avènement d’internet, portant avec lui celui des réseaux sociaux, a certainement bouleversé nos façons de nous exprimer et de communiquer, avec des conséquences parfois troublantes.

La relation de travail salariée n’y a pas fait exception.

Au départ, chacun considérait raisonnablement qu’il n’y avait pas lieu de traiter l’expression émise sur les nouvelles plateformes numériques d’une façon distincte de celle dont on traitait les opinions partagées jusqu’alors.

Ainsi, un propos numérique portant atteinte à l’image ou à l’honneur d’autrui pouvait être sanctionné lorsque son auteur l’avait rendu accessible à un large public. Mais dès lors que le propos avait été émis à destination d’un groupe restreint et privé, l’objectif de protection de la vie privée et la liberté d’expression interdisaient à l’employeur de reprocher au salarié son attitude sur la toile.

Mais il s’agissait d’un temps où les échanges s’effectuaient encore entre interlocuteurs identifiés, contrôlant personnellement leurs publications.

Ainsi, dans une décision rendue par la Cour d’appel de Rouen en 2011, les juges écrivaient : « […] ce réseau (Facebook) peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur. »

Désormais, les réseaux sociaux n’ont plus grand chose à voir avec ce qu’il était au début de la décennie précédente.  Une publication privée peut devenir publique en quelques heures, généralement au corps défendant des individus concernés, qui n’apprendront qu’ils font l’objet d’un « buzz » qu’une fois qu’il sera trop tard pour y changer quoi que ce soit.

Les réseaux sociaux et ses dommages collatéraux

En ce qui concerne le droit du travail, ce début d’année 2020 a illustré cet air du temps par plusieurs exemples.

Dans un premier cas, deux salariés de l’entreprise « LE SLIP FRANÇAIS » se sont filmés au cours d’une soirée privée et hors tout cadre professionnel, dansant sur le titre « Saga Africa » tout en étant déguisé en singe pour l’un et maquillé en personne noire pour l’autre. Les réseaux sociaux se sont enflammés face à ce contenu perçu comme raciste, appelant au boycott des produits de l’entreprise et réclamant des sanctions disciplinaires pour les deux salariés.

Le deuxième exemple concernait un agent d’entretien de la société « DERICHEBOURG », photographié assoupi dans la rue durant son temps de pause. Le salarié sera licencié pour faute grave suite à la diffusion de sa photo sur twitter. L’effet boomerang intervient deux ans plus tard lorsque les réseaux sociaux, jugeant la sanction disproportionnée, prennent fait et cause pour le salarié et multiplient les pétitions à l’encontre de l’employeur.

Si toute personne est libre d’agir comme elle l’entend dans le cadre de sa vie privée, il est admis que l’employeur puisse licencier un salarié pour un comportement qui a créé un trouble à l’entreprise ou qui a porté atteinte à son image.

Ce que ces cas ont de singulier c’est que le trouble n’a pas été directement causé du fait des salariés mais principalement par le comportement des usagers des réseaux sociaux.

"Les réseaux sociaux perturbent plus largement les mécaniques de notre société."

Comment réagir en tant qu'employeur ?

Les réactions des employeurs interviennent donc davantage pour circonscrire la polémique et se positionner par rapport à l’opinion publique, plutôt que pour sanctionner un manquement du salarié à ses obligations.

Dès lors, le critère du paramétrage public/privé opéré par le salarié sur son compte n’est d’aucun secours pour juger de son attitude et les parties se retrouvent face au constat du trouble survenu, alors qu’il est discutable qu’il soit imputable au salarié lui-même.

Durant sa pause un salarié est supposé pourvoir vaquer librement à ses occupations personnelles. De même, le mauvais goût, tant répréhensible qu’il puisse être dans ses expressions racistes, n’est pas interdit dans le cadre de communications privées.

Le jugement des réseaux sociaux intervient donc dans une relation qui ne le concerne pas et peut avoir des conséquences directes sur le contrat de travail, ce qui interroge le juge quant au traitement à réserver à ces situations.

Le droit du travail, mais pas seulement...

Cette influence n’est bien entendu pas limitée au droit du travail mais perturbe plus largement les mécaniques de nos sociétés modernes. La libération de Jacqueline Sauvage en 2016 ou l’abandon de Benjamin Griveaux à l’accession à la mairie de Paris en 2020 sont des exemples parmi d’autres de l’influence inattendue des réseaux sociaux.

Le contrat de travail reste toutefois une relation bipartite et il est anormal que l’opinion publique puisse y exercer une influence.

Les employeurs sont d’autant plus encouragés à développer la création de chartes éthiques dans leurs entreprises ou de dispositions touchant au numérique dans leurs règlements intérieurs afin de pouvoir réagir au titre de règles définies.

La perte de chance
appliquée à la retraite

LE SAVIEZ-VOUS ?

Par Nicolas STRADY

La perte de chance de droit à la retraite DANS UN CONTEXTE DE CRISE ECONOMIQUE

Dans un contexte de crise économique, là où beaucoup parlent d'absence de départs contraints, ce sont souvent les seniors qui sont en première ligne, d'où l'exigence pour les entreprises de savoir les accompagner à la juste mesure de leurs enjeux catégoriels.

Quand tel n'est pas le cas, la question de la perte de chance à pouvoir se prévaloir d'une retraite à taux plein peut se poser comme étant la conséquence de la perte d'emploi, à quelques encablures du départ à la retraite programmé par l'assuré(e).

Nous le savons, pour ouvrir droit à indemnisation, le préjudice doit être certain et direct. Il peut être existant ou futur mais ne doit pas être hypothétique.

Pour ouvrir droit à indemnisation, la « perte de chance implique (seulement) la privation d’une potentialité présentant un caractère de probabilité raisonnable et non un caractère certain. » (Cass. Civ. 3ème, 7 avril 2016, n° 15-14.888).

Certes, l’indemnisation de la perte de chance, difficile à chiffrer en pratique, est nécessairement moindre que la perte de l’avantage qu’aurait procuré cette chance, si elle s’était réalisée.

Au cas d'une pension de retraite supplémentaire à prestations définies, la Cour de cassation (31 mai 2011, n°09-71.350, 09-71.504) a pu reconnaître à l'assuré(e) licencié(e) de manière abusive, le préjudice distinct résultant de la perte de chance de percevoir une telle pension et dont il aurait bénéficié si son contrat de travail n’avait pas été rompu avant son départ à la retraite.

L'évaluation du préjudice prend alors toute son importance : Dans un arret récent  (16 janv. 2019, n°17-05927) la Cour d'appel de Paris a pu allouer à un salarié de 54 ans licencié sans cause réelle et sérieuse, une somme de 80 000 € au titre de sa perte de chance. Même s'il demandait une somme bien plus importante concernant ses droits à sa retraite de base et complémentaire, les enjeux sont importants.

Au cas du licenciement nul, la Cour de cassation (11 sept. 2019, n°17-27.984) nous dit que le préjudice né de la perte d'emploi comprend celui tiré de la perte de chance de percevoir l'intégralité de la pension de retraite à laquelle le salarié aurait eu droit si le contrat de travail n'avait pas été rompu avant le départ à la retraite. Cela ne signifie pas pour autant que le quantum ne tient pas compte d'un tel préjudice.

Dans un contexte de crise économique et de réforme annoncée de nos régimes de retraites, qu'elle soit paramétrique ou systématique, la perte de chance sur les droits retraite pourrait s'inviter dans le débat et peser sur les entreprises, à charge pour elles de le prévenir par le déploiement d'une politique d'accompagnement de leurs seniors de circonstance.

A LA RECHERCHE
DU MONDE D'AVANT

FIGURE LIBRE

La figure libre est l'espace de liberté laissé à l'un de nous pour parler de son métier, de l'une de ses passions, d'un roman, d'une exposition ou de tout autre sujet. Nous pouvons y dresser un portrait, faire un interview ou y jeter un billet d'humeur.

Par Arnault CHARRIERE

Au grè de nos conversations, il n'est pas rare de nous entendre dire, voir de dire nous même,  "rien ne sera jamais plus comment avant". Les plus optimistes parleront même de "nouveau monde".

Nous exprimons la même chose quand il s'agit de parler de "nos jeunes" pour imaginer le pire, par rapport à notre propre"monde d'avant", au point parfois de les condamner définitivement.

La vie est fragile. Face à un traumatisme, il est légitime de rechercher ses repères, Celui de notre enfance quand elle fut heureuse. Ou juste ceux d'avant, quand elle le fut moins.

Pour lutter, tel un mécanisme d'auto-défense, ce sont souvent la colère, le rejet, et la peur qui nous animent et dans un miroir plutot trouble, celui de la dépression.

La blessure, c'est un peu comme le changement et la vie qui s'egrène jusqu'à la mort, il faut savoir à la fois la saisir pour ensuite l'accepter dans une forme d'impermanence que les bouddhistes connaissent bien.

Une belle citation pour accompagner cette figure libre et nourrir ensemble ces dernières semaines de l'été : "Ce n'est pas l'impermanence qui nous fait souffrir. La souffrance, c'est vouloir que les choses soient permanentes, or elles ne le sont pas" Thich Nhat Hanh (maître zen).

https://plumvillage.org/fr/

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